Le 8 mars 2025, le monde célèbre la Journée internationale des droits des femmes sous le thème « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation ». Pour nous, en République Démocratique du Congo, cette date est une occasion de rappeler que l’éducation des filles est bien plus qu’une question de justice sociale. C’est un enjeu de développement, de stabilité et de prospérité. Femme, scientifique et ministre, je mesure à la fois l’ampleur des défis et l’impératif d’agir.
Un contexte difficile qui exige une action déterminée
La situation éducative des filles en RDC reste préoccupante. Selon l’Enquête Démographique et de Santé III (EDS-RDC III, 2023-2024), seulement 59 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont alphabétisées, comparativement à 86 % des hommes, soulignant une forte disparité de genre dans l’accès à l’éducation. Cette enquête révèle également une disparité notable dans les taux de fréquentation scolaire spécifiquement pour les filles, avec 81 % au niveau primaire contre seulement 55 % au niveau secondaire, illustrant ainsi un décrochage significatif entre ces deux niveaux d’enseignement.
Les provinces particulièrement affectées par ce phénomène incluent le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, l’Ituri et le Kasaï, où l’instabilité sécuritaire et le déficit d’infrastructures scolaires adaptées amplifient le décrochage scolaire des filles (EDS-RDC III, 2024). Entre 30 et 40 % des filles abandonnent leur scolarité après le primaire à cause principalement de la pauvreté chronique, du manque d’infrastructures scolaires adéquates, en particulier l’absence de sanitaires adaptés aux adolescentes, et des longues distances à parcourir.
L’éducation, un levier d’autonomisation et de développement
Éduquer une fille, c’est lui offrir des perspectives d’avenir et lui donner les moyens d’accéder à l’indépendance économique. Aujourd’hui, le taux de représentation des filles dans les filières scientifiques et techniques reste faible, nécessitant une action renforcée pour promouvoir leur accès et leur maintien dans ces disciplines. Les stéréotypes de genre continuent d’orienter les jeunes filles vers des domaines moins valorisés économiquement, réduisant ainsi leurs opportunités professionnelles. Encourager les filles à s’orienter vers les sciences, les mathématiques et l’entrepreneuriat est un enjeu stratégique pour le développement du pays.
L’accès au financement reste également une problématique majeure. Moins de 15 % des femmes ont accès à des crédits bancaires pour développer une activité économique, ce qui limite leur insertion professionnelle après leurs études. Le gouvernement congolais travaille activement avec ses partenaires pour mettre en place des solutions innovantes, notamment des programmes de microfinance et des formations en entrepreneuriat pour les jeunes diplômées.
La gratuité scolaire : une avancée majeure à consolider
Depuis son instauration, la gratuité de l’enseignement primaire a permis une hausse significative des inscriptions, particulièrement chez les filles. Bien que cette politique constitue un tournant historique, elle ne résout pas entièrement les défis liés à la scolarisation durable. Les classes surchargées, le manque d’enseignants qualifiés et les infrastructures inadaptées restent des obstacles importants.
Face à ces défis, le gouvernement a mis en place le Projet d’Amélioration de la Qualité de l’Enseignement Primaire (PEQIP), spécifiquement axé sur la construction et la réhabilitation d’écoles primaires équipées d’infrastructures adéquates, notamment des sanitaires séparés pour les filles, particulièrement en milieu rural. Ce programme vise ainsi à améliorer les conditions d’accueil des élèves, réduire les taux d’absentéisme et favoriser la transition vers le secondaire.
Des actions concrètes pour garantir l’égalité à l’école
Le gouvernement reste pleinement engagé pour garantir une éducation équitable et inclusive pour toutes les filles congolaises. Pour soutenir directement les filles vulnérables et favoriser leur maintien scolaire, le Projet d’Apprentissage et d’Autonomisation des Filles (PAAF) finance des bourses scolaires, accompagne la réintégration des filles-mères et forme les enseignants à l’égalité des genres, particulièrement au niveau secondaire où le décrochage est critique.
De plus, conscient que l’insécurité alimentaire constitue un obstacle majeur à l’assiduité scolaire, surtout en milieu rural, le ministère finalise, à la demande du Président de la République, la Stratégie Nationale d’Alimentation Scolaire. En garantissant au moins un repas quotidien aux élèves, cette stratégie vise à améliorer durablement la fréquentation scolaire, particulièrement pour les filles issues des milieux les plus défavorisés.
Enfin, le Plan Quinquennal 2024-2029 du ministère met l’accent sur l’éducation inclusive et équitable. Il prévoit des actions spécifiques de sensibilisation auprès des élèves, des enseignants et des communautés pour valoriser l’importance de l’éducation des filles, tout en encourageant leur participation active à des initiatives citoyennes et entrepreneuriales. L’objectif est clair : faire de l’école un espace sûr et égalitaire où chaque fille peut développer pleinement son potentiel sans aucune discrimination.
La Campagne de Citoyenneté Active : un levier pour l’égalité et l’autonomisation des filles
L’égalité entre les filles et les garçons ne se construit pas seulement à travers des politiques éducatives et des infrastructures adaptées. Elle se forge également dans les mentalités, les pratiques sociales et l’engagement citoyen, dès le plus jeune âge. C’est dans cet esprit que la Campagne de Citoyenneté Active, portée par le ministère, joue un rôle central dans la promotion des droits des filles et la consolidation d’une société plus juste et inclusive.
À l’occasion du 8 mars 2025, cette campagne prend une dimension particulière en mettant en lumière les enjeux d’égalité et d’autonomisation des filles. Dans les établissements scolaires, les jeunes filles sont encouragées à prendre la parole, affirmant ainsi leur rôle actif dans la construction d’une citoyenneté responsable. Trop souvent cantonnées à des rôles secondaires, elles doivent être encouragées à exprimer leurs opinions, défendre leurs droits et s’engager pleinement dans la vie publique.
L’égalité commence sur les bancs de l’école, mais aussi dans la manière dont les contenus pédagogiques sont transmis. À travers la Campagne de Citoyenneté Active, des modules éducatifs sur les droits des filles, la lutte contre les discriminations et l’importance de l’engagement citoyen sont intégrés aux formations des enseignants et aux activités scolaires. L’objectif est de créer une culture d’égalité durable, où les jeunes générations grandissent avec une vision plus inclusive et respectueuse des droits de chacun.
Un volet essentiel de la campagne concerne la création dans les écoles de clubs des filles, clubs de citoyenneté où filles et garçons sont sensibilisés aux valeurs de respect, de leadership et de responsabilité sociale. Ces espaces permettront aux filles de renforcer leur confiance en elles, de prendre des initiatives et de développer des compétences en leadership, des qualités essentielles pour briser les barrières de genre et accéder à des rôles décisionnels dans la société congolaise.
La campagne encourage également l’engagement des filles dans des actions communautaires, notamment à travers des projets sociaux et environnementaux. L’éducation ne doit pas seulement être un levier d’émancipation individuelle, mais aussi un moteur de transformation collective. Encourager les filles à s’investir dans le développement de leur communauté, c’est leur donner les outils pour devenir des actrices du changement.
Mobilisation nationale et internationale : une priorité pour la paix et le développement
L’éducation des filles est une priorité nationale, mais elle n’est pas que l’affaire du gouvernement. La communauté internationale, le secteur privé, la société civile et les médias doivent jouer un rôle crucial. Les entreprises peuvent s’engager en finançant des bourses, en proposant des formations professionnelles adaptées aux jeunes filles et en intégrant davantage de femmes dans les métiers techniques et industriels.
Investir dans l’éducation des filles, c’est investir dans la paix et la stabilité. Un pays qui éduque ses filles est un pays qui prépare un avenir durable. Chaque enfant a droit à l’éducation, quel que soit son genre, son origine ou son lieu de résidence. La guerre ne doit pas voler l’avenir de nos filles. C’est dans cette optique que le ministère travaille sur la Stratégie Nationale d’Éducation en Situation d’Urgence, afin d’assurer que les filles touchées par les conflits puissent continuer leur scolarité. Cette stratégie prévoit des solutions adaptées aux contextes de crise, telles que des écoles temporaires, des cours accélérés et à distance, et des dispositifs de protection spécifiques aux filles.
En cette Journée du 8 mars 2025, nous réaffirmons notre appel à l’arrêt immédiat de l’occupation rwandaise et au retrait du M23 des zones occupées. Nous devons garantir à chaque fille congolaise le droit d’apprendre, de s’épanouir et de bâtir son avenir.
L’égalité commence sur les bancs de l’école. Ensemble, faisons du 8 mars 2025 un moment décisif pour l’éducation des filles en RDC.
Nous sommes l’Éducation Nationale. Nous préparons l’avenir de nos enfants. Nous construisons la Nation.
RAISSA MALU
Minetat/Education et Nouvelle Citoyenneté