Avec plus de 80 millions d’hectares de terres arables, la République démocratique du Congo (RDC) peine à satisfaire les besoins en farine de maïs de ses populations, principalement celles du Grand Katanga et du Grand Kasaï. Le pays est à ce jour, incapable de retrouver la position qu’il a occupé avant son accession à la souveraineté internationale où le revenu du secteur agricole congolais intervenait à la hauteur de 43% de ses recettes d’exportation.
Face à la crise du maïs qui sévit dans le Grand Katanga et le Grand Kasaï, le gouvernement congolais estime nécessaire la mise en place des mesures préventives pour résorber cette crise. Apportant sa recette à cette situation, le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie nationale, Daniel Mukoko Samba, a informé le Conseil des Ministres des mesures préventives urgentes préconisées pour juguler cette crise du maïs dans le Grand Katanga et le Grand Kasaï, pendant la période de soudure allant généralement d’octobre à mars de l’année suivante.
Parmi les propositions, Daniel Mukoko Samba évoque la « conclusion d’un accord gouvernemental avec le Zimbabwe » pour le recours à brève échéance aux stocks disponibles dans ce pays en cas de pénurie grave dans certaines zones.
Outre le recours vers le maïs zimbabwéen, le ministre de l’Economie (un des meilleurs que compte le pays) propose entre autres, l’encadrement d’un groupe d’entrepreneurs nationaux identifiés, capables d’importer plus d’un million de tonnes du maïs et de la farine de maïs, en leur faisant bénéficier des mesures d’allègement des taxes, impôts et autres redevances. Le ministre de l’Economie nationale est de ceux qui pensent que la résolution de la crise passe aussi par la confirmation de la mesure portant suspension de la perception de tous les droits, taxes et redevances à l’importation de ces produits allant jusqu’à décembre 2024.
Le gouvernement de la RDC pourra également être favorable au renforcement des mesures d’encadrement existantes par notamment la maitrise du circuit d’importation et de distribution, à l’évaluation des stocks, et le contrôle des prix à la consommation ; la mise en place, en collaboration avec le ministère des Transports, Voies de Communication et Désenclavement, avec la Société nationale de chemin de fer du Congo (SNCC) d’un programme précis pour l’acheminement des produits dans les zones concernées.
La levée des barrières au niveau des provinces constitue également une piste de solution afin d’éviter toute forme de tracasserie, pouvant occasionner la hausse de prix.
Le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie nationale a rassuré que le Gouvernement tient à implémenter un nouveau modèle économique visant à réduire la dépendance vis-à-vis de l’importation du maïs, en collaboration avec un groupe de champions nationaux travaillant sur la chaine de valeur (agriculteurs, importateurs, fournisseurs d’intrants, centres de recherche, experts en logistique, commerçants, etc.)
Autrefois, la Zambie
Il y a quelques mois, le gouvernement de la RDC a dépêché un groupe des ministres en Zambie pour chercher le maïs afin de faire face à une pénurie de cette céréale qui se déclarait dans une bonne partie du pays. Alors que tous les yeux étaient rivés vers la Zambie voisine, grande a été la déception des consommateurs congolais après une « fin de non-recevoir » enregistrée. Quatre membres du gouvernement se sont rendus notamment en Afrique du Sud et en Zambie pour discuter avec les fermiers et les autorités de ces pays. A la fin, c’était donc un fiasco.
Quelques jours après le fiasco réalisé dans cette quête de maïs, le président zambien sortit de son silence, mettant ainsi fin à la rumeur. Le président zambien, Hakainde Hichilema s’était donc exprimée sur une prétendue commande de maïs effectuée par la RDC. Il a encouragé les autorités congolaises à suivre le circuit formel.
La déclaration du président zambien est intervenue après que Kinshasa a accusé « une main noire » qui serait derrière le blocage de la fameuse commande. Vital Kamerhe alors Vice-Premier ministre et Ministre de l’Économie nationale avait même parlé d’embargo.
« Deux mesures étaient prises en Zambie. Il était décidé de ne plus exporter vers la RDC au cours de cette année. L’Ethiopie, le Sud-Soudan, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Malawi avaient déjà acheté toutes les quantités destinées à la RDC. Posez-vous la question », avait déclaré Vital Kamerhe.
Pour le Chef de l’Etat zambien, il s’était agi d’une commande officieuse qui n’avait rien à avoir avec le gouvernement. Le président zambien a, à des termes à peine voilés, qualifié la RDC d’un pays paresseux. Il a insinué que les précédentes démarches effectuées par les émissaires de Kinshasa ne suivaient les voies autorisées.
« Nous devons discuter avec nos voisins de manière pacifique, mais avec fermeté. Nous avons demandé à nos voisins, qui manquent de nourriture, de passer une commande officielle aux propriétaires de champs. Il s’agit de frontières nationales (…) Et nous négocions, puis nous allons voir nos agriculteurs et nous allons leur demander de produire plus afin de satisfaire à la demande du Congo », avait-t-il déclaré.
La recette Kamerhe, un fiasco
Le 15 mai 2023, alors qu’il intervenait au cours d’un briefing presse aux côtés de son collègue de la Communication et Médias, Vital Kamerhe (ministre de l’Economie) a évoqué un certain nombre des mesures conjoncturelles à très court terme, prises par le gouvernement pour juguler la crise du maïs en RDC en général, et dans les régions du Katanga et du Kasaï en particulier.
Pour Vital Kamerhe, il était question de 6 mois de suppression des taxes et droits à l’importation de maïs en farine et en grain ; de la suppression des droits et taxes à l’importation des intrants agricoles et engin ; d’un plan d’urgence d’accroissement de la production de maïs ; de l’accompagnement des privés dans l’opération d’importation en Afrique du Sud et en Zambie.
Le gouvernement avait également communiqué sur le Plan de ramassage de la production dans le Grand Kasaï et le Grand Katanga ; de la surveillance du marché pour décourager la rétention des stocks et les prix illicites ; de l’appui au service national pour l’accroissement de la productivité et de la rationalisation de la parafiscalité notamment pour les péages.
Visiblement, toutes ces mesures annoncées avec pompe n’étaient qu’une chimère. A ce jour, le problème de maïs demeure alors que la RDC dispose de près de 80 millions d’hectares de terres arables, 4 millions de terres irrigables, dont 1% seulement cultivé. Dans ce pays à vocation agricole, l’agriculture paysanne occupe 70% de la population active.
Il faut noter qu’avant son accession à la souveraineté internationale, le revenu du secteur agricole congolais intervenait à la hauteur de 43% de ses recettes d’exportation. Une production qui, selon les experts, faisait du Congo-Belge, le 2ème producteur mondial de l’huile de palme, derrière le Nigeria et avant l’Indonésie et la Malaisie. C’est vers les années 65 que le secteur agricole a été négligé au profit des activités du secteur minier, plus particulièrement le cuivre.
Malgré l’engagement pris en 2003 à Maputo au Mozambique par les Chefs d’Etats de l’Union Africaine d’allouer au moins 10% du budget national annuel au secteur agricole, celui de la RDC se situe encore à environ 3%.
Les statistiques de la FAO renseignent cependant qu’à partir de 2012, une légère augmentation s’est faite observée dans la production agricole en milliers de tonnes de Manioc en cossettes, Maïs, Riz Paddy, Haricot et Pois.
Signalons par ailleurs que la population congolaise est actuellement estimée à plus de 70 millions et croît à un taux annuel de près de 3 %. Elle est à prédominance féminine (53 %) et extrêmement jeune avec 50 % ayant moins de 15 ans. La majeure partie de la population congolaise vit en milieu rural.
Pour mieux nourrir sa population, le gouvernement ferait mieux de développer davantage le secteur agricole en lieu et place de débourser des milliers de dollars pour des importations, qui, au finish, s’avèrent moins efficaces.
ChronikEco