L’ancien président de la commission électorale, associé depuis décembre 2023 au mouvement rebelle soutenu par Kigali, est accusé, avec ses alliés, de crimes de guerre et de trahison. Le procès s’ouvre en l’absence de la plupart des prévenus.
En difficulté sur le terrain, où l’armée congolaise subit des revers face aux rebelles du M23, Félix Tshisekedi et son gouvernement tentent d’avancer sur le front judiciaire. Le 22 juillet, Constant Mutamba, le ministre de la Justice, a annoncé l’ouverture d’un procès contre Corneille Nangaa, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), « et ses complices ». Cette procédure, que le garde des Sceaux dit inscrire « dans le cadre des activités terroristes, de crimes de guerre et de haute trahison perpétrées dans l’est de la RDC », doit s’ouvrir le 24 juillet.
Makenga, Nangaa et Bisimwa
Un délai très bref, donc, pour préparer un procès que le ministre de la Justice n’hésite pas à qualifier d’ « historique » bien que presque aucun des prévenus n’ait été arrêté. Associé aux rebelles du M23 au sein de l ’Alliance Fleuve Congo (AFC), une plateforme politico-militaire qui a vu le jour à Nairobi en décembre 2023, Corneille Nangaa s’affiche désormais aux côtés de ses alliés dans les territoires du Nord-Kivu que ces derniers contrôlent.
Il n’hésite pas non plus à tenir un discours hostile à l’égard de Félix Tshisekedi, et va jusqu’à promettre de marcher sur Kinshasa avec ses hommes. Pour l’instant, ces troupes bénéficient du soutien de l’armée rwandaise et de l’Ouganda, comme les experts des Nations unies l’ont de nouveau établi dans leur dernier rapport. Les rebelles, qui gagnent du terrain dans l’est de la RDC, demandent l’ouverture d’un dialogue avec Kinshasa – ce à quoi Félix Tshisekedi continue de s’opposer catégoriquement.
C’est donc à plus de 2 000 km des positions qu’ils occupent que Nangaa et ses alliés seront jugés. Vingt-cinq noms figurent sur la liste des accusés. Outre l’ancien président de la Ceni, on y trouve Sultani Makenga, le chef militaire du M23, Bertrand Bisimwa, le président de la branche politique du mouvement, Lawrence Kanyuka et Willy Ngoma, respectivement porte-parole politique et militaire des rebelles, ainsi que d’autres cadres, comme le colonel Bernard Byamungu. L’épouse de Nangaa, Yvette Lubanda Nazinda, fait elle aussi partie des accusés. La majorité des prévenus sont considérés comme des fugitifs et seuls cinq d’entre eux, dont Éric Nkuba Shebandu, comme présents.
« Vaste blague »
Présenté aux médias lors d’une conférence de presse organisée – chose rare – par le renseignement militaire congolais, Éric Nkuba Shebandu était le « conseiller politique et stratégique » de Corneille Nangaa. Il s’était affiché à ses côtés lors de l’annonce de la fondation de l’AFC, à Nairobi.
Arrêté en Tanzanie en janvier dernier et transféré dans la foulée à Kinshasa, Shebandu est apparu dans une vidéo qu’a diffusée l’armée congolaise. On l’entend énumérer les noms de plusieurs soutiens de l’AFC, en particulier ceux de l’ancien président, Joseph Kabila, de l’ex-député Claudel Lubaya ou de l’ex-général John Numbi, sous sanctions internationales et qui vit aujourd’hui en exil au Zimbabwe.
Chronik Eco Avec Jeune Afrique