« La course est lancée » pour dominer la technologie des énergies propres, a déclaré Ursula von der Leyen, en mars 2023, lorsqu’elle a annoncé la mise en place du Règlement européen sur les matières premières critiques , qui vise à réduire la dépendance actuelle de l’UE en matière d’approvisionnement en minéraux critiques. Ce texte a été présenté en réponse à la loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis , qui comprend notamment un engagement à accroître l’approvisionnement national en ces minéraux essentiels.
Dans ce contexte de concurrence entre grandes puissances, on peut craindre que certains impacts socio-économiques et environnementaux négatifs propres à l’industrie minière soient volontairement ignorés, dans un objectif de sécurisation rapide des ressources. Or, négliger ces questions pourrait compromettre les efforts déployés pour atténuer le changement climatique et protéger la biodiversité, et répéterait les erreurs du passé, avec une exploitation systématique des pays en développement réduite à la production de matières premières de base, comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, dans son discours aux dirigeants mondiaux lors de la COP28.
Un moment difficile
La transition énergétique, qui vise à réduire, voire à remplacer un système utilisant les énergies fossiles par un nouveau mode de consommation centré sur les énergies renouvelables, implique un besoin accru de ressources minières, aussi appelées minerais critiques. La demande de ces minerais – lithium, cobalt, graphite, nickel et cuivre – va exploser dans les années à venir .
Le continent africain abrite de vastes ressources naturelles, notamment minières . Cependant, le nombre de pays pouvant prétendre produire une quantité significative de minéraux critiques pour la transition énergétique est, au regard de l’état des réserves connues, très restreint . Contrairement au boom minier des minerais précieux qui se situait principalement en Afrique de l’Ouest, ce nouveau boom trouve son centre de gravité en Afrique centrale et australe : République démocratique du Congo (RDC) et Zambie pour le cuivre et le cobalt, Afrique du Sud et Zimbabwe pour le platine et le manganèse, ou encore Madagascar et Mozambique pour le graphite, le titane et les terres rares.
C’est donc l’occasion pour ces pays de réexaminer les régimes fiscaux afin de favoriser une mobilisation plus efficace des recettes qui seront nécessaires pour assurer leur propre transition énergétique.
Contrairement au secteur pétrolier, où les pays et les compagnies ont adopté principalement des accords de partage de la production (ou des revenus), dans le secteur minier c’est le régime de concession qui est prédominant. Dès lors, les États doivent développer la fiscalité pour récupérer une partie des revenus générés par l’exploitation minière. Le débat sur la politique fiscale optimale qui permettrait aux gouvernements africains de capter une « juste » part de la rente ressurgit donc suite à l’augmentation des cours de certains des minerais clés pour la transition énergétique.
Il est crucial de ne pas reproduire le cycle des années 2000. À cette époque, la vague de privatisations des années 1990 combinée à la hausse des prix des métaux en 2000 s’est traduite par une vague d’investissements, mais les administrations des États Les Africains n’étaient pas préparés à négocier avec les multinationales minières, et leurs codes miniers pas suffisamment bien conçus pour les aider à tirer un revenu décent de l’exploitation. De plus, ces paiements ont été offerts des incitations fiscales de façon trop systématique dans le cadre des premières conventions minières négociées, qui n’ont que rarement permis aux gouvernements de percevoir les recettes attendues. Exemple révélateur de cette asymétrie : « les contrats chinois » conclus entre Pékin et Kinshasa entre 2007 et 2008 pour plusieurs milliards de dollars.
Depuis 2010, un processus de rééquilibrage des intérêts
Les pays producteurs de minéraux, critiques ou non, ont entrepris depuis 2010 des processus d’élaboration de nouveaux codes miniers afin de rééquilibrer les intérêts de l’ensemble des parties concernées.
Les redevances minières sont en hausse (elles sont généralement versées aux collectivités locales plutôt qu’à l’État central). Par ailleurs, les taux sont de plus en plus variables ou progressifs en fonction du cours des matières premières. En moyenne, les taux d’impôt sur les sociétés pour le secteur minier restent généralement inférieurs aux taux du régime général, mais on observe une moindre pratique des exonérations dans le cadre des conventions minières (il est préférable d’avoir un taux moindre mais (effectivement appliqué) .
La gratuité des participations pour les États est plus fréquente, ce qui permet à ces États de recevoir des dividendes, mais aussi des informations sur l’exploitation de la mine qui peuvent être utiles pour déterminer la rentabilité réelle du projet et donc la fiscalité appropriée.
On constate enfin une résurgence de l’impôt sur la rente, qui permet de compenser les pertes liées aux sous-estimations (intentionnelles ou non) du potentiel des prix des minerais par les entreprises.
Dans l’ensemble, les impôts ont augmenté ; cependant, toute augmentation du taux d’imposition ne garantit pas que les recettes seront effectivement perçues.
État des lieux au cours de la dernière décennie
Les recettes du secteur minier en Afrique demeurent cependant inférieures à leur potentiel. Le rapport de l’Africa Progress Panel (2013) avait déjà attiré l’attention de la communauté internationale sur ce paradoxe coûteux pour la mobilisation des ressources intérieures en Afrique. Lundstøl & Moore, en 2016 , soulignent que le chiffre d’affaires du secteur a été multiplié par 4,6 pendant le dernier boom 2000-2010 tandis que les recettes fiscales, elles, n’ont été augmentées que d’un facteur de 1 ,15.
Force est de constater que sur la période 2010-2020 les choses ne se sont guère améliorées. En effet, on constate que les recettes fiscales sont toujours significativement plus faibles que les rentes minières issues de l’extraction : elles sont de deux à cinq fois moins importantes sur 2010-2019.
Avec The Conversation