Premier producteur mondial de cobalt et deuxième producteur mondial de cuivre, la RDC est au cœur de la transition énergétique et du passage aux véhicules électriques. Mais les retombées pour les populations locales de cette course aux énergies vertes sont encore largement négatives.
En RDC, la production de cobalt et de cuivre nuit à la santé des populations, en raison des rejets toxiques dans l’air et les cours d’eau. C’est l’un des résultats d’une enquête de 19 mois menée dans 25 villes et villages à proximité de cinq des plus grandes mines de cobalt et de cuivre du monde et publiée le 27 mars 2024, dans un rapport intitulé « Beneath the Green : Un regard critique sur le coût de l’extraction industrielle du cobalt en RDC ».
Commanditée par l’organisme britannique RAID et l’observatoire congolais African Resources Watch, l’étude a été menée avec des scientifiques du département de toxicologie et d’environnement de l’université de Lubumbashi. Ils ont analysé des échantillons de plusieurs cours d’eau à proximité des mines, révélant notamment que les rivières Katapula et Kalenge sont « hyperacides », alors que les rivières Dipeta et Dilala sont « très acides ». Ces quatre cours d’eau sont donc toxiques pour la santé humaine et animale, notamment celle des poissons.
Sur un échantillon de 144 habitants interrogés, la quasi-totalité (99 %) déplore une baisse des rendements agricoles et de la taille des exploitations agricoles en raison de la pollution, réduisant en conséquence les revenus de la population. 59 % d’entre eux ont également dû réduire leur alimentation à un repas par jour et retiré leurs enfants de l’école par manque d’argent. Ils sont enfin 75 % à déclarer ne plus disposer de moyens suffisants pour accéder aux soins de santé ou acheter des médicaments. Les personnes interrogées lient cette dégradation de leurs conditions de vie au boom de l’exploitation du cobalt.
Il faut dire que la part de la RDC dans l’exploitation mondiale n’a cessé de progresser ces dernières années, de même que les exportations congolaises, qui ont atteint un pic à 140 000 tonnes en 2023, selon les statistiques officielles. Cette croissance s’explique par l’augmentation de la demande mondiale de cobalt, en raison de l’utilisation du métal dans l’industrie des véhicules électriques.
« Le monde a besoin du cobalt congolais pour atteindre les objectifs [net zéro], mais la transition énergétique ne profite pas aux centaines de milliers de Congolais qui vivent à l’ombre des grandes mines industrielles de cobalt. Ils ne conduisent pas de véhicules électriques et ne bénéficient pas d’un environnement sain », dénonce Emmanuel Umpula, directeur exécutif d’African Resources Watch.
Engagement insuffisant des compagnies minières
Les accusations de pollution environnementale visant les mines de cuivre et de cobalt en RDC ne sont pas récentes. Plusieurs études et rapports ont à de nombreuses reprises mis en cause la responsabilité des compagnies minières dans la persistance du problème. Ces dernières assurent malgré tout respecter les normes environnementales en vigueur en RDC et estiment notamment que les anciennes mines et l’exploitation minière artisanale sont en grande partie responsables de la situation.
Dans ces conditions, il revient aux autorités de mieux situer les responsabilités afin de pouvoir sanctionner ensuite les pollueurs. Dans un rapport paru en 2013, l’organisation belge IPIS alertait déjà sur la responsabilité de l’État en soulignant que les abus des entreprises se perpétuent en raison de la non-application de la loi par l’État congolais.
« L’État congolais ne parvient pas à assurer une protection adéquate du droit humain à l’eau de ses citoyens. Le manque d’application de la loi, la corruption structurelle, la capacité insuffisante des agents publics ou les problèmes fondamentaux du système judiciaire sont quelques-unes des causes qui conduisent à la situation négative du droit à l’eau », estime alors l’IPIS.
Avec Agence Ecofin