Tribune-Depuis l’occupation progressive de certaines zones de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) par le M23, regroupé sous la bannière de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), la ville de Goma connait une transformation inquiétante dans sa gouvernance. Si le groupe se présente comme une force politico-militaire prônant l’ordre et la sécurité, la réalité vécue par les habitants de la ville est tout autre : elle se caractérise par une répression violente, une gouvernance autoritaire et une fiscalité insupportable imposée à une population déjà fortement démunie.
1. Torture comme outil de contrôle
Le témoignage de nombreux habitants fait état d’un usage systématique de la violence physique pour maintenir l’ordre et dissuader toute forme de contestation. Arrestations arbitraires, détentions dans des lieux secrets, coups, sévices et traitements inhumains seraient devenus monnaie courante dans les quartiers sous contrôle du M23/AFC.Les victimes ne sont pas uniquement des opposants politiques, mais aussi de simples citoyens accusés de collaboration avec les FARDC et la Wazalendos, ou de ne pas s’être acquittés de taxes imposées. Cette forme de gouvernance fondée sur la peur s’inscrit dans une stratégie de contrôle de tout le territoire occupé, où la parole est muselée et la dignité humaine sacrifiée sur l’autel de l’autoritarisme.
2. Une fiscalité imposée sans contre partie
Dans un contexte de guerre, sans infrastructures financières viables et sans économie locale fonctionnelle, la mise en place de systèmes de collecte de taxes par les autorités du M23/AFC paraît aussi brutale qu’absurde. Les commerçants, transporteurs, vendeurs ambulants et même les ménages sont contraints de payer différentes formes de redevances : péages routes, taxes de marché, frais de sécurité, taxes d’assainissement de la ville ou des marchés, impôts « locaux », etc. Le paradoxe est frappant : ces taxes sont exigées alors même que la population vit dans un environnement totalement déstructuré, sans banques, sans soutien de l’État, sans salaires, sans emplois formels, ni sécurité sociale. Le paiement se fait en argent liquide en dollars, ou en Francs Congolais, pour les plus démunis, au prix de violences physiques et de confiscation de biens.
3. Goma, une ville sans économie fonctionnelle
La ville de Goma, autrefois un carrefour commercial régional, est aujourd’hui réduite à une économie de survie. L’absence d’investissements, la fuite des capitaux, l’insécurité permanente et l’inaccessibilité des services bancaires ont plongé la population dans une précarité extrême. Au-delà de l’asphyxie psychologique et morale, le tissu économique est moribond ; les entreprises ont fermé, les ONG ont suspendu la plupart de leurs certaines activités, et le marché de l’emploi est quasi inexistant. Dans ce contexte, exiger des taxes à une population sous un stress permanent et affamée revient à presser un citron déjà sec. C’est une fiscalité sans retour, sans redistribution ni services, aggravant ainsi une misère déjà endémique.
4. Un système qui fracture davantage la société
La gouvernance actuelle menée par le M23/AFC ne cherche pas à construire, mais plutôt à extraire et purger le peu qui restait de l’économie locale. Elle fracture le tissu social et alimente la déstructuration de la résilience d’une population déterminée à endurer. La jeunesse, abandonnée, est livrée au recrutement forcé ou à la migration clandestine. Les femmes et jeunes filles, souvent premières victimes de la pauvreté et de la violence, sont piégées entre travail informel, viols, exploitation sexuelle et traumatismes non traités. Ce mode de gouvernance ne vise ni le développement, ni la reconstruction. Il entretient un cycle d’esclavage, de pauvreté et de dépendance, en empêchant toute initiative locale de prospérer.
5. Conclusion
La gestion de M23/AFC à Goma s’apparente à une gouvernance de guerre, fondée sur la peur, la répression et l’exploitation d’une population privée de ses droits fondamentaux. Le contraste entre la pauvreté criante des habitants et l’insistance des autorités à imposer taxes et impôts illustre une dynamique de prédation plutôt que de reconstruction. Dans cette ville sans banques, sans travail et sans avenir clair, le peuple paie un lourd tribut, non seulement en argent, mais aussi en sang, en dignité, et en espoir.