Le 9 mai 2025 à Kinshasa, la Coalition des Femmes Leaders pour l’Environnement et le Développement Durable (CFLEDD) a présenté les résultats d’un diagnostic accablant sur l’accès des femmes à la terre dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Loin d’être uniquement une question foncière, il s’agit d’un enjeu de dignité, de développement durable et de justice climatique.
Dans les territoires de Kabare, Kalehe, Mwenga et Walikale, les réalités sont cruelles : les femmes locales et autochtones, bien qu’essentielles à la survie de leurs communautés et à la protection des forêts, sont encore largement exclues de la gestion foncière. Le combat qu’elles mènent pour faire valoir leurs droits est à la fois silencieux et courageux.
Une double injustice les frappe : patriarcale et écologique.
Car si le cadre juridique congolais reconnaît en principe les droits fonciers des femmes, la réalité sur le terrain est bien différente. Ce ne sont pas les lois qui manquent, mais leur application. Dans les villages reculés, les coutumes persistent, encore plus puissantes que les textes de loi. Comme l’a rappelé Mme Chérifa Apek Eyer, défenseuse de droits des femmes et Directrice d’Administration et Finance au sein de la CFLEDD, lors de l’atelier : « Que vaut une loi si ceux à qui elle est destinée n’en ont même pas connaissance ? »
Il ne s’agit donc pas seulement de changer les lois, mais aussi les mentalités. Et cela passe par l’information, la sensibilisation et l’engagement communautaire.
C’est pourquoi la CFLEDD déploie un plaidoyer multiforme, s’appuyant sur les médias, les campagnes de communication, les spots et les scénettes inspirées de faits réels. Ces outils visent à toucher les cœurs autant que les esprits.

À l’issue de l’atelier de présentation du diagnostic, une conférence de presse a permis de porter le message au-delà de la salle, jusqu’à l’opinion publique nationale.
Le plaidoyer lancé ce jour-là par la CFLEDD est clair, celuide garantir aux femmes un accès équitable à la terre, condition sine qua non de leur autonomisation économique et environnementale ainsi que de leur participation active dans la lutte contre les effets des changements climatiques.
Mais comment parler d’accès à la terre quand la paix elle-même est absente ?
Dans l’Est de la RDC, les violences armées persistent, comme le souligne Mme Dorothée Lisenga coordonnatrice nationale de la CFLEDD : « S’il n’y a pas de paix, nous ne pouvons pas parler d’accès de la femme à la terre. »
La guerre détruit, déplace, terrorise, fige les droits et les espoirs. Dans ce contexte le projet « Femmes en Action » prend tout son sens. Porté par un consortium formé de la Fondation Paul Gérin-Lajoie et du Jane Goodall Institute Canada, avec l’appui financier d’Affaires mondiales Canada, il est mis en œuvre par plusieurs partenaires, dont la CFLEDD. Son ambition est d’accroître la résilience climatique des femmes et filles du Nord et Sud Kivu en vue de renforcer leurs places dans la gestion durable des ressources naturelles, notamment foncières, et faire tomber les barrières coutumières et sociales.

Ayant couvert le terrain à Kabare, (Sud-Kivu) dans le cadre de ce projet, nous somme témoin direct de la résilience de ces femmes. Malgré des nombreux obstacles, continuent de faire vivre une terre qui pourtant les marginalisent. Leurcourage, leur indignation face à l’injustice sociale, mais aussi leur espoir tenace nous a laissé sans voix. Ces témoignages ont inspiré l’écriture d’une scénetteaudiovisuelle de plaidoyer, diffusée lors de l’atelier, met en lumière les réalités poignantes qu’elles affrontent au quotidien.
Au-delà des chiffres, ce sont des vies qu’il faut tenircompte. Des femmes qui, chaque jour cultivent, protègent, résistent. Donner aux femmes les moyens de décider sur leur terre, c’est renforcer la sécurité alimentaire, la justice sociale et la résilience climatique. C’est aussi reconnaître qu’elles sont les vraies gardiennes de nos forêts.
Dans le bruissement des forêts congolaises, un cri s’élève : « Justice foncière pour les femmes, maintenant », il est temps que ce cri ne reste plus sans écho.
Perpétue Boku
« Quand une femme n’a pas de terre, elle n’a pas de voix. Et quand les femmes se taisent, la forêt s’éteint. »