Connu pour sa rigueur et sa fermeté dans l’audit des finances publiques, le chef de service de l’Inspection générale des finances, Jules Alingete Key est cité dans une affaire de fraude fiscale, douanière…. Les enquêteurs accusent d’être impliqué dans des dossiers qui enfreignent la loi. Ci-dessous, l’intégralité du rapport d’enquête rendu public par un groupe de journalistes dont Mills Tshibangu, signataire du dossier de presse y relatif :
Jules Alingete dans des sales draps : une enquête éclabousse le Gendarme Financier
Dossier de presse
AlligatorLeaks
A la suite d’une longue enquête menée par un groupe d’investigateurs, vient d’être dénoncé un vaste réseau de fraude fiscale et douanière, de blanchiment, de conflit d’intérêt, de trafic d’influence et de corruption impliquant le numéro 1 de l’Inspection Général des finances, Monsieur Jules Alingete.
Contexte
Monsieur Jules Alingete, Inspecteur général des finances (agent de l’état), a été recruté par Monsieur ADNAN RAWJI, un des héritiers des entreprises de la famille RAWJI.
En 2016, Monsieur Jules Alingete, a été présenté à Monsieur Yusuf Shaikh, Directeur des opérations de la société Prodimpex, comme la personne chargée de les assister dans le maquillage des comptabilités et dans la planification de la fraude fiscale orchestrée par les sociétés du groupe Rawji.
Les sociétés concernées sont notamment:
Prodimpex,
Beltexco,
Marsavco,
Proton,
Parkland & Rafi.
Monsieur Yusuf SHAIKH et Monsieur Dominic FREUNDORFER (en charge du Business development au sein du groupe Rawji) témoignent désormais contre Monsieur Jules Alingete et contre les entreprises de la famille Rawji.
D’après leur témoignage, ces sociétés ne respectent pas les règles fiscales et douanières en vigueur en RDC. Monsieur Jules Alingete les conseille et leur apporte son influence dans ce cadre.
Monsieur Jules Alingete intervient auprès du groupe à travers la société DACO, entreprise créée par ce dernier, dans laquelle il détient 54% des parts et dont il assurait la gestion. Il cumulait ce rôle avec son statut d’Inspecteur général des finances, et, pendant un temps, avec ses fonctions de Conseiller du Premier Ministre chargé du climat des affaires. Après sa nomination en qualité de Chef de Service à l’IGF, il délégua
officiellement la gestion de l’entreprise à son épouse, Madame Nanou MUKAWA ALINGETE, mais il continuait à poser des actes de gestion au nom de DACO, vis-à-vis de ses clients.
La mission confiée à Monsieur Jules Alingete et à son entreprise est double:
Premièrement, il conseille les sociétés en cause dans le maquillage de leur comptabilité, notamment en minorant frauduleusement les chiffres d’affaires et les résultats, avec pour objectif de payer le moins d’impôts possibles.
Des échanges d’emails impliquant Monsieur Jules Alingete montrent que ce dernier conseille personnellement et directement les sociétés du groupe dans la minoration de la TVA à l’importation et, plus généralement, dans la planification des fraudes.
Deuxièmement, selon les documents et témoignages recueillis, il accompagne les sociétés concernées dans les discussions avec les régies financières (DGRAD, DGI, DGDA et DGRK). Il utilise son influence dans le but de diminuer leurs charges fiscales, douanières et parafiscales.
Monsieur Jules Alingete initie également des missions de contrôle de l’Inspection Générale des Finances auprès des sociétés du groupe Rawji.
Pour mener à bien sa mission d’influence sur les contrôles, Monsieur Jules Alingete obtient des fonds en espèces des sociétés de la famille Rawji pour corrompre les agents des régies financières impliqués dans ces contrôles.
Il existe de nombreuses décharges écrites et signées de la main de Monsieur Jules Alingete attestant la perception de sommes en espèces. On y reconnaît clairement son écriture. Des photos le montrent même dans les locaux des sociétés du groupe Rawji pour obtenir les fonds.
Contenues dans une data room de plus de 40 gigas, plusieurs milliers de pièces comptables et autres preuves ont été divulguées, confirmant la manipulation des comptabilités aux fins de fraude fiscales, ce qui rendra inéluctable un redressement fiscal des entreprises incriminées, en plus d’éventuelles poursuites pénales.
Les sommes en espèces étaient remises par Monsieur Yusuf Shaikh dans son bureau ou déposées dans les locaux de la société DACO. Pendant le confinement, par exemple, Monsieur Jules Alingete s’est rendu deux fois dans les locaux de la société Prodimpex pour y percevoir respectivement 700.000USD et 500.000 USD.
Monsieur Yusuf Shaikh reconnaît que certains paiements ont été faits en faveur de Monsieur Jules Alingete et de sa société par des transactions bancaires.
Il est prêt à venir témoigner de nouveau en République Démocratique du Congo, mais souhaite obtenir des garanties pour sa sécurité.
Monsieur Jules Alingete a poursuivi ces activités mafieuses après sa nomination en 2020 comme numéro 1 de l’Inspection Générale des Finances. Des emails attestent que ses services aux entreprises du groupe ont continué au cours des années 2021 et 2022.
Conflit d’intérêt et complicité de fraude fiscale et de blanchiment
La situation dans laquelle se trouve Monsieur Jules Alingete par rapport aux sociétés du groupe Rawji est constitutive d’un conflit d’intérêt défini à l’article 11 du décret-loi n° 017- 2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de l’agent public de l’État, qui dispose que:
« Il est interdit à l’agent public de l’État de se prononcer sur toute affaire au traitement et à la solution de laquelle il a directement ou indirectement un intérêt personnel.
Les lanceurs d’alerte font état de fraudes fiscales pouvant dépasser le milliard de dollar pour seulement 2 ou 3 entreprises du groupe Rawji. Montants pour lesquels Monsieur Alingete ne recevait pas moins de 6 millions de dollars de corruption par an en échange de ses services. Il se serait ainsi rendu coupable de complicité de fraude fiscale et douanière.
En plus des montants directement reçus en espèces, il ressort des pièces à conviction fournies que Jules Alingete, son épouse et ses enfants, étaient gracieusement et régulièrement pris en charge pour des voyages d’agrément à travers le monde.
Monsieur Dominic Freundorfer explique pour sa part les savants montages opérés par le groupe à travers ses sociétés créées dans des paradis fiscaux, visant à faciliter la fraude fiscale et douanière, le blanchiment ainsi que la fuite des capitaux. Parmi ces sociétés, il y a notamment Hexagon International à Dubaï (avec une branche, Hexagon GMBH en Allemagne) Hurricane Investissements à Panama, Monganga dans les Iles Caïman, Compal en Colombie et UTC en Chine et en Afrique du Sud.
Coutumier des pratiques de conflit d’intérêt, de corruption et de trafic d’influence, dont certaines évidences rendues publiques remontent aux années 2014, Monsieur Alingete a néanmoins réussi à se faufiler dans la nouvelle administration Tshisekedi dès 2019, jusqu’à se hisser à la tête de l’Inspection Générale des Finances, profitant du caractère peu averti du nouveau pouvoir. Il a su user des moyens importants que lui procuraient sa position pour exercer un contrôle certain sur une bonne partie des médias populaires et des réseaux sociaux. Il a instrumentalisé sa fonction pour affaiblir ou régler des comptes de manière sélective à certains responsables politiques et gestionnaires publics, en s’appuyant souvent sur des enquêtes ou rapports internes au caractère spécieux ou manipulé et sans contradictoire, visant tout simplement à créer la clameur publique et à le faire passer lui-même comme le héros de la lutte contre la corruption en RDC.
Un caractère multirécidiviste et téméraire
Le fait que ces relations mafieuses ont continué même après sa nomination comme Chef de Service de l’Inspection Générale des Finances leur confère un caractère aggravant, au regard de sa fonction.
En contrôle auprès de la Gécamines en novembre 2023, il a sollicité et obtenu la conclusion d’un contrat de consultance pour justifier des paiements reçus de cette dernière, alors que l’Inspection Générale des Finances, dont il a la charge, bénéficie de dotations mensuelles colossales du Trésor Public du reste jamais justifiées- que l’institution n’avais jamais reçu dans le passé, pour assurer la réalisation de ses missions en toute indépendance et sans faiblesse morale de la part de ses membres.
Ces conflits d’intérêt font encourir à Monsieur Jules Alingete des sanctions disciplinaires et pénales sévères. Une dénonciation de ses services auprès des sociétés du groupe Rawji avait fait l’objet d’un début d’instruction au Parquet de Matete en juillet 2023. Monsieur Alingete a usé de son influence financière, médiatique et politique, qui s’étend jusqu’au sein de la magistrature et d’une partie de la société civile, pour étouffer cette affaire sans que l’instruction ne soit achevée, en dépit des évidences flagrantes.
Des lanceurs d’alerte traqués par l’empire Rawji et Jules Alingete, obligés de se mettre à l’abri hors de la RDC
Yusuf Shaikh a été le premier à subir les représailles du groupe mafieux. Poursuivi par la société Prodimpex pour avoir frauduleusement détourné la somme de 20.000 USD, fruit de la vente d’un véhicule qui lui était confié, il est condamné le 13 mai 2022 par le Tribunal de Paix de Kinshasa à 10 mois de servitude pénale et écroué à la prison centrale de Makala. Il obtiendra l’annulation de cette décision en appel, sera relaxé et quittera le territoire congolais pour l’Inde.
Dominic Freundorfer quant à lui profitera d’un départ en vacances en 2022 pour s’éclipser, prenant soin de laisser derrière lui, auprès de quelques diplomates et de son épouse de nationalité congolaise, plusieurs preuves étayant le vaste schéma de fraude fiscale, corruption et blanchiment mis en place par la famille Rawji et Jules Alingete. Se sentant sérieusement menacé par d’éventuelles révélations du lanceur d’alertes allemand, Jules Alingete initie sa mise en accusation en Allemagne pour un prétendu dossier de fraude fiscale intervenue sur le territoire congolais. Les enquêteurs ne sont pas parvenus à prendre connaissance de l’existence d’un quelconque dossier de poursuite contre l’intéressé ouvert à Kinshasa. Cette accusation a été jugée infondée par l’administration allemande. Après cet échec, Jules Alingete a tenté à plusieurs reprises de reprendre langue avec Dominic Freundorfer, dans l’espoir de l’amener à de meilleurs sentiments. Les enquêteurs ont pris connaissance de plusieurs appels téléphonique de Jules Alingete vers l’intéressé ainsi que des demandes de rendez-vous en Allemagne. Dominic Freundorfer n’a donné suite à aucune de ces initiatives. Il vit dans son pays et bénéficie depuis lors de la protection de la police allemande suite aux différentes menaces reçues directement de Monsieur Alingete.
Une enquête qui pourrait changer le cours de la lutte contre la corruption en République Démocratique du Congo, pour le meilleur…
Cette enquête met à nu un nouveau scandale qui touche cette fois-ci l’institution qui avait reçu des pouvoirs exorbitants pour lutter contre la corruption en RDC. Cette crise donnera certainement l’occasion au Président Félix Tshisekedi, à l’aune de son second mandat, de remettre de l’ordre dans le pays et de donner un nouveau souffle à sa volonté réelle de faire reculer la corruption en République Démocratique du Congo.
Dans le cadre du processus de mise en conformité de la lutte contre le Blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, le Président Tshisekedi a renforcé le dispositif de lutte à travers la promulgation le 27 décembre 2022, de la nouvelle loi congolaise en la matière. Celle-ci a été complétée par des textes d’application en 2023.
Mills TSHIBANGU
Journaliste d’investigation